Michel HOUELLEBECQ, créateur d'antihéros. (Sérotonine, 2019).

     Le nouveau roman de Michel HOUELLEBECQ, intitulé Sérotine, publié chez Flammarion en janvier 2019, met en scène un personnage âgé de quarante-six ans, exerçant la profession d'ingénieur agronome et nommé Florent-Claude LABROUSTE. Cet homme, dont la vie est un échec d'après son propre point de vue, nostalgique de ses plus belles années, semble à priori correspondre à un type courant de la société moderne. La narration est neutre, prise en charge par le personnage lui-même, dont le regard, bien qu'épuré de sentimentalisme, demeure extrêmement lucide quant à sa situation et la tournure que prend son existence médiocre. Il en est de même quant à ses observations du monde et des personnages qui l'entourent au cours de ses pérégrinations.

     Sans doute l'auteur a-t-il voulu traduire la perception et l'absence de sensations d'un homme consommant un anti-dépresseur de nouvelle génération qu'il nomme "Captorix", d'où le titre, renvoyant à l'hormone libérée grâce au précieux "comprimé blanc, ovale, sécable.", [...] permettant aux patients d'intégrer avec une aisance nouvelle les rites majeurs d'une vie normale au sein d'une société évoluée".

     Les événements et les personnages que l'on croise dans le roman sont d'actualité mais teintés d'un voile morbide et suicidaire. L'atmosphère est volontairement pesante, mettant au jour des réalités que la société tente d'ignorer: impuissance, pédophilie, échecs sentimentaux et amicaux, suicide, misère sociale ou isolement. Ces thèmes sont systématiquement abordés à travers le prisme imperméable du point de vue, pourtant interne, du narrateur dont le détachement rend la lecture acceptable, contre toute attente.

     La chute, teintée de mysticisme, laisse transparaitre momentanément une lueur d'espoir, mais pas pour le personnage martyr.

     L'auteur fait référence de manière décalée dans le texte à des poètes tels que Lamartine et Baudelaire, mais aussi à d'autres auteurs d'époques variées.